La commune de Notre Dame de Mésage a la particularité d’avoir deux chapelles. La chapelle Sainte Marie et la chapelle Saint Firmin,  classée «  Monument historique  ».

L’église Sainte Marie

Blottie dans la forêt à flanc de montagne, l’église Sainte-Marie de Notre Dame de Mésage fut pourtant autrefois une étape spirituelle incontournable.

Édifié sur un lieu tellurique reconnu, le bâtiment, considéré comme l’un des premiers témoins de l’art roman en Isère, daterait de l’Empire carolingien.

À l’époque, le village de Notre Dame de Mésage était situé entre deux routes – d’où le nom « mésage », signifiant milieu – qui reliaient Grenoble au col de Montgenèvre ; passage obligé pour les pèlerins se rendant à Rome ou à Jérusalem.

Tout au long du parcours, des sanctuaires et des lieux de prière ont été construits, dont l’église Sainte-Marie. Cette paroissiale se trouve sur un étroit replat à proximité d’un vieux cimetière et non loin de la mairie.

Sa principale originalité, unique en France, réside en sa tour-clocher qui, à l’instar de la tour de Pise, s’incline dangereusement vers l’est. À l’intérieur se dévoile l’abside primitive avec ses arcatures aveugles scandées par des colonnes et des chapiteaux taillés dans l’albâtre : un matériau provenant d’une carrière exploitée sur le territoire qui servit à réaliser les tombeaux de grands princes et seigneurs, dont en partie celui du connétable de Lesdiguières et de Napoléon Ier.

Clovis Angelier dans un document de 1952 disait « son décor n’est pas moins intéressant, puisqu’on y trouve certains éléments de la décoration lombarde ».

On ne peut nier que les influences lointaines d’Italie, de Provence, de Catalogne, se soient exercées.

Les effets obtenus par l’emploi du tuf et du marbre, la sobriété des sculptures taillées dans le tuf grossier, les énormes contreforts de l’abside, la pente du toit, sont autant de faits qu’expliquent la géologie, le relief et le climat de ce pays de montagnes. Et il semble bien que c’est dans les petites églises rurales que ces facteurs naturels jouent le plus grand rôle.

Cette église du XI siècle a constamment nécessité des travaux d’entretien et a été entièrement restaurée en 1970.

 

La chapelle Saint Firmin

Son histoire

(Sources d’après Mamon, Vichert, Montjoye, Baruol …)

En retournant vers le centre du village, vous découvrirez la chapelle Saint-Firmin. Parfait exemple de l’architecture romane de montagne, cet autre trésor du pays vizillois, daté du dernier quart du XIIe siècle, est resté quasiment intact.

Il est l’un des derniers vestiges d’un ensemble plus important, composé d’un dortoir, d’un réfectoire et d’une infi rmerie qui constituait jadis l’hôpital de Vizille, c’est-à-dire l’ancienne commanderie des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem puis de l’ordre de Malte.

Il servait de gîte d’étape aux pèlerins et aux croisés. Dressée sur une butte surplombant la vallée de la Romanche, cette petite chapelle arbore une harmonieuse silhouette et possède quelques curiosités, parmi lesquelles de singulières sculptures sur son clocher, représentant des fi gures énigmatiques : un cavalier, un évêque et…un bateau.

La chapelle Saint Firmin est dite « Chapelle des Templiers ». Cette appellation datant du début du XIXème siècle est erronée. La chapelle n’a jamais appartenu à cet ordre, elle a été au XVème siècle une annexe de la commanderie d’Echirolles, qui, elle, appartenait au Temple, avant d’être remise, en 1312, aux Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem (qui deviendra Ordre de Malte).

La commanderie de Mésage sera presque toujours désignée comme « hospital proche de Vizille ». Le pouillé de 1437 la désigne comme «  préceptorat de Vizille «  dont le service est assuré par les bénédictins de Saint Michel de Connexe (prieuré de Saint Chaffre en Velay). Elle est réunie à la commanderie de Lachal en 1460, à celle de Bellecombe en 1480 puis à celle de Chambéry en 1583. A la révolution, après la disparition de l’Ordre de Malte, elle est vendue et laissée à l’abandon. La chapelle est transformée en habitation privée au début du XXème siècle. En 1961 elle est cédée à la commune de ND Mésage et sera enfin classée monument historique en 1962. Elle est restaurée avec discrétion et discernement dans les années 60, sous l’autorité de R. Girard, architecte des Bâtiments de France. La restauration se continue en 2007 par la remise en état notamment des façades nord et sud-ouest.

On ignore la date et les circonstances de sa fondation, mais des documents de 1228, 1266, 1290 établissent sans conteste l’appartenance à l’Ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. De ces Ordres militaires, elle est la mieux conservée en Dauphiné. Jusqu’à la fin du Moyen Age elle n’a pas eu d’autres rôles, l’église paroissiale, qui est antérieure se situant à 300 m de là.

Nous ne savons rien des bâtiments annexes qui garnissaient sans doute le promontoire et dont ne subsistent apparemment que les vestiges de la porte du chemin d’accès à l’angle est du clocher.

Le site

Le terrain sur lequel est situé la chapelle St Firmin à la particularité de montrer des affleurements importants 3 roches particulières :

Le gypse : c’est la pierre à plâtre, autrefois exploitée dans le secteur. Le Ranch de Mésage occupe à la Touche, les locaux d’une ancienne plâtrière. Le gypse affleure sur le talus ouest qui borde la route qui conduit à la mairie et à la chapelle.

L’anhydrite, ou albâtre : exploitée autrefois comme pierre ornementale. Elle a été utilisée au Prieuré de Vizille.

Le tuf : exploité comme pierre de construction, parce que légère et facile à travailler. Elle est de plus un excellent isolant thermique à cause de l’air qu’elle emprisonne ; la chapelle est entièrement construite avec cette pierre, sauf le porche d’entrée, taillé dans la molasse, grès au grain très fin, légèrement verdâtre, à cause de la glauconie quelle contient. La texture et la couleur du matériau créent donc un contraste de couleur qui met en valeur le porche.

La butte sur laquelle se repose la chapelle Saint Firmin est une rareté géologique dont on peut évoquer l’histoire.

Elle a commencé il y a moins de 200 millions d’années. Après l’érosion de la chaine Hercynienne, la région était devenue un vaste marais salant où se sont déposés : sel (aujourd’hui disparu, parce que soluble dans l’eau), gypse et anhydrite.

Cette histoire se continue à l’aire secondaire aux alentours de moins de 100 millions d’années. La mer a persisté, déposant des sédiments calcairomarneux, noirs ou gris, visibles aux environs de Vizille. Le château de Vizille est d’ailleurs construit sur de tels sédiments.

Vers la fin de l’ère tertiaire (moins 20 millions d’années), le plissement alpin en plissant les roches a fait remonter le gypse au cœur des plis. Le gypse, comprimé et réchauffé remonte vers la surface, exactement comme la pâte dentifrice dans un tube que l’on presse. Cette montée dure autant que la pression qui est à son origine. Ainsi prennent naissance des montagnes qui ont ceci de particulier que la dissolution du sel compense la surrection, si bien que le dôme conserve son altitude, malgré la dissolution incessante du gypse. On trouve de telles montagnes en Iran et pas très loin de nous le relief qui porte l’église de Notre Dame du Laus à l’est de Gap.

Descriptif extérieur

L’édifice, orienté est sud-est (13° vers le sud) est installé sur une sorte de socle faisant stylobate et raccordé à l’enveloppe par un cavet. Au sud, où la pente est la plus forte, ce soubassement est à deux retraites successives. Au nord comme au sud, il est renforcé au milieu des murs goutterots de la nef, par de petits contreforts à deux retraites (dont la faible hauteur en fait un élément de décor gratuit).

L’ensemble de l’édifice est en moyen appareil de tuf à joints très régulièrement disposés, il présente toutes les caractéristiques du premier art roman méditerranéen dit « lombard »

Les murs sont couronnés d’une corniche simple supportée par des modillons sculptés.

La toiture à l’origine était couverte de grandes plaques de schiste, fixées par de longs clous sur le réagréage de la voûte, comme l’ont fait découvrir les récents travaux dirigés par l’architecte en chef des Monuments Historiques JL Taupin.

La façade occidentale est très dépouillée. Le portail en molasse se compose de simples piédroits soulignés d’un tore et d’un tympan nu, il est surmonté d’une fenêtre à double ébrasement. Trois têtes humaines autour d’une croix grecque, sculptées dans la molasse immédiatement en dessous du pignon, constitue le seul décor de cette façade.

A l’abside se développe une corniche d’une ampleur exceptionnelle composée d’un bandeau, d’un cavet et d’une double doucine. Ses dimensions inaccoutumées peuvent sans doute être expliquées par la nécessité de supporter la rive débordante de la lourde toiture de lauzes, peu pentue, et d’évacuer le plus loin possible les eaux qui attaqueraient, la base de ces murs de tuf poreux et fragile.

Le clocher est constitué d’un rez-de-chaussée formant chapelle ou sacristie éclairée d’une fenêtre étroite comme une meurtrière à l’est ; d’un premier étage percé d’une baie simple sur 3 faces ; d’un étage supérieur ajouré d’une bais simple au nord et au sud et de baies géminées sur ses autres faces. L’essentiel du décor réside dans la corniche d’arcature développant ses festons au sommet de l’étage supérieur entre les lésènes d’angle et dans les modillons sculptés sur lesquels repose cette arcature. Une autre corniche, constituée d’un simple bandeau mouluré, sépare le rez-de-chaussée du premier étage, soutenue par des modillons de même facture que ceux du couronnement. La dispersion naïve des motifs grossièrement sculptés au clocher (comme à la façade) montre bien la diversité des influences qui ont pu s’exercer sur ce monument. A l’origine on ne pénétrait dans le clocher que par la porte cintrée ouverte au nord, laquelle devait communiquer avec les bâtiments conventionnels disparus. La porte d’accès au cœur est tardive.

A l’est, « un coup de sabre » très net dans la partie inférieure (au-dessus, les maçonneries sont liées) sépare la maçonnerie du clocher du reste du monument sur lequel elle s’appuie, et marque ainsi très bien, au nord, la saillie de la travée supplémentaire, il est donc évident que ce clocher est postérieur à l’abside et à la travée de cœur. Il semble donc que deux campagnes de construction se soient succédées à peu d’intervalle de temps.

Une croix de fer fortement pattée, présentant un redent accusé aux extrémités était à l’origine scellée au sommet de la flèche (actuellement collection au Musée Dauphinois). On doit la considérer comme une version de type assez archaïque de la croix de malte, emblème de l’Ordre de Saint jean de Jérusalem à l’extrême fin du XIIIème siècle.

Descriptif intérieur

Nef unique de 2 travées voûtées en berceau très légèrement brisé, éclairée au sud par 2 fenêtres doubles ébrasées. La voûte est renforcée en son milieu d’un doubleau unique, en alignement des petits contreforts extérieurs, retombant sur des piliers (dosseret et colonne engagée avec chapiteaux sculptés).

Un autel en pierre monolithe visible sur une gravure sur bois de Dardelet (1876), actuellement brisé et remisé à l’extérieur.

Une travée de chœur barlongue, voûtée sur croisée d’ogives qu’on pourrait dater du XIIIème siècle. ce voûtement serait contemporain au clocher qui semble avoir été pensé au-dessus de cette travée mais qu’un changement de parti l’a fait s’ériger au nord de celle-ci ; en effet, tout se passe en fait comme si, à l’origine, cette travée aux supports puissants avait été couverte en berceau pour porter un clocher. Même si elle n’avait pas été prévue, cette solution est assez répandue en Dauphiné au XIème et XIIIème siècle. Le caractère archaïque des culs-de-lampe, le fort bombement des voûtains latéraux, l’absence de formerets et surtout le profil torique des ogives nous indiquent que nous sommes ici en présence d’une œuvre de transition Il faut cependant considérer cette voûte sur croisée d’ogives comme l’un des premiers exemples régionaux de l’utilisation de l’ogive.

Un chœur en hémicycle couvert en cul-de-four est percé de 3 fenêtres en plein cintre doublement ébrasées avec des appuis intérieurs « en escalier » (permettant d’avancer une datation fin XIIème siècle) et des pieds droits ornés d’un triple tore. L’arc par lequel il ouvre est décoré d’un rang de « perles et pirouettes » proches de certains modèles byzantins.

Les chapiteaux des colonnes engagées de la nef dérivés du corinthien sont archaïques, mais les rai-de-cœur de belle facture de l’arc d’entrée de l’abside plaident pour une datation assez tard dans le XIIème. Le décor sculpté évoque les frustres tentatives élaborées dans un pays peu ouvert aux grands courants artistiques (Bourgogne, Provence….).

Cette chapelle est relativement homogène du point de vue chronologique, sa construction a dû être effectuée dans la deuxième moitié du XIIème siècle. Sa voûte de chœur pourrait bien dater de la fin de ce siècle, voire du tout début du suivant. Par l’étonnante qualité de son architecture, par l’originalité de son décor et par son remarquable état de conservation, elle prend tout naturellement sa place parmi les plus exceptionnels monuments de notre province.